Nicolas NOVA, Persistance du merveilleux : Le petit peuple de nos machines, Premier Parallèle, 2024, 240 pages, 22€.
Nicolas Nova (1977-2024), était anthropologue, professeur à la Haute école d’art et de design, à Genève. Ses recherches portaient sur la compréhension des cultures numériques et leur évolution.
Selon l’auteur, dans nos ordinateurs coexiste une « ménagerie numérique » assimilable au merveilleux. C’est pourquoi il bat en brèche l’idée que « la rationalité occidentale aurait triomphé de ce petit peuple avec lequel nous avons cohabité tant de siècles. » (p. 10) Il fait au contraire l’hypothèse non pas d’un ‘exit’ mais d’un exode vers notre nouveau milieu. Cette œuvre « vise à comprendre ce que sont concrètement ces entités pour celles et ceux qui les créent, les côtoient, les utilisent ou les subissent. » (p. 15)
Chaque entité (daemons, fantômes, chevaux de Troie, vers, trolls, sprites, avatars…) est analysée pour elle-même, en référence au mythe auquel elle doit son nom et dans le lien symbolique entre ces 2 réalités. À chaque fois il s’agit pour l’auteur d’« aborder les relations que nous nouons au quotidien avec cette ménagerie numérique » (p. 16). Pour ce faire, Nicolas Nova les regroupe en entités nommables et catégories connues. Ces créatures peuvent être classées en fonction de leurs types (omniprésent mais très discret, possédant ou irruptif, malfaisant, compagnon, IA), répertoriées selon leur degré d’autonomie. L’auteur explore également leurs relations, tant avec les êtres humains qu’entre elles. Différents processus culturels reconfigurés par l’entremise des médias numériques permettent cette lecture. L’auteur va plus loin puisqu’il analyse tout cela comme « un système mythologique en devenir. » (p. 177)
C’est un folklore – essentiellement occidental – qui circule. Ce sont aussi des discours qui sont construits et qui inclinent notre pensée dans des directions souvent inconscientes. C’est pourquoi le recours au merveilleux n’est pas simplement une phase transitoire dans l’appropriation de nouveautés, il est aussi un moyen efficace qui s’appuie sur des métaphores et des analogies L’auteur montre l’écotypification et l’agglutination qui sont à l’œuvre. Il propose finalement de reconnaître une « infra-vie artificielle » (p. 190) dans cet ensemble de protagonistes.
La dimension bestiaire est à la fois ludique et érudite, mêlant des connaissances pointues en informatique comme aux racines culturelles qui nourrissent ces nombreuses références. L’auteur va bien au-delà d’un catalogue puisqu’il fournit un vrai travail d’ethnologue vis-à-vis de toutes ces entités et d’anthropologue en étudiant comment le petit peuple de nos machines affecte notre vie et notre vision du monde. A cet égard, c’est un ouvrage suggestif. La proposition de dépasser le symbolique pour reconnaître une « infra-vie artificielle » est osée. Elle est documentée et intelligente, assez convaincante mais ce n’est pas une évolution de pensée évidente qui est ici proposée. En définitive, l’ouvrage de Nicolas Nova invite à repenser notre rapport aux technologies comme un prolongement de nos mythes ancestraux, tout en ouvrant des perspectives sur l’avenir de nos imaginaires.
Ouvrage : https://www.premierparallele.fr/livre/persistance-du-merveilleux
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