Sylvain DETOC, La gloire des bons à rien, Paris, Cerf, « LeXio », sept. 2024 (2022), 168 p., 7,50€.
Sylvain Detoc est dominicain, docteur en littérature et en théologie. Il enseigne la doctrine des Pères de l’Église à l’Institut catholique de Toulouse et à l’Angelicum à Rome.
Cet ouvrage est un essai de vulgarisation théologique sur les rapports qu’entretiennent la gloire et la grâce avec les pauvres du Seigneur (Anawim) que nous sommes.
Ces dernières années, fidèles « canal historique » et nouveaux (bien)venus pourraient désespérer alors que tant de figures de quasi-sainteté sont tombées de leur piédestal, alors que tant de ministres ont trahit l’idéal évangélique. Dans ce contexte, l’auteur invite les humiliés à retrouver l’humilité, à l’image de l’humus, source de vie.
Il ne s’agit pas ici d’un traité sur les vertus de la médiocrité mais plutôt d’un traitement par l’Amour inconditionnel. Au long des pages, l’auteur analyse l’histoire sainte pour la rapporter à notre histoire de sainteté. Il nous montre qu’alors que nous pourrions assez légitimement désespérer en nous regardant, nous pouvons espérer avec assurance en nous contemplant dans le regard de Dieu. L’objectif du livre est illustré par cette citation évangélique : » Vite, Zachée descendit et reçut Jésus avec joie » (Lc 19, 6). Le frère Detoc nous invite à trois consentements successifs pour avancer vers cet objectif : consentir au fait que Dieu confie sa Parole à des ‘sous-doués’, consentir à être des terriens, consentir à prendre notre part à l’aventure.
La première partie, » Le recrutement des bons à rien « , observe que Dieu appelle des lourdauds, aujourd’hui comme hier ; déjà au travers de la Bible (Moïse, Pierre…). La bonne nouvelle est donc que les médiocres ont toutes chances d’être appelés. En effet, le divin potier ne se lasse pas de travailler ses vases d’argile. Si Dieu appelle des lourdauds, comme le souligne la première partie, c’est parce que leur nature, bien que fragile, est foncièrement bonne, comme l’explore la deuxième partie.
La deuxième partie, » La pâte des bons à rien « , s’intéresse précisément à cette argile qui nous constitue. Non pour nous humilier mais pour nous (re)dire que notre nature est bonne. Dieu ne l’a pas créé autrement. La gloire a du poids mais c’est le péché qui pèse… et ses conséquences sur notre regard encore mal ajusté sur notre nature humaine. C’est pourquoi Dieu nous donne des signes de ce corps fondamentalement bon que je suis. C’est pourquoi, surtout, Dieu ne se laisse pas dérouter. Sa grâce n’efface pas nos nos fêlures mais trouve encore à y resplendir – ainsi que l’illustre le kintsugi – pour nous libérer tout entier (corps, histoire…) dans sa vie bienheureuse.
Alors que la deuxième partie nous invite à accueillir avec confiance la richesse de notre humanité, fragile mais fondamentalement bonne, la troisième partie ouvre sur le chemin concret du labeur, où notre consentement à l’œuvre divine transforme nos limites en une participation active à sa grâce. Ainsi, cette dernière partie, » Le labeur des bons à rien « , reformule quelques vérités fondamentales. Dieu seul sauve ; nul ne se sauve par ses mérites. Dieu veut nous sauver avec notre consentement : » Là commence le labeur des bons à rien. » (p. 109) Notre liberté est ainsi convoqué à sa juste place (sans quiétisme, ni fidéisme). Nos actes n’ont pas besoin de grandeur, simplement de participer à l’œuvre divine. » Les bons à rien peuvent bien se lamenter sur leur faiblesse. C’est leur longueur d’avance. » (p. 151) car conclut l’auteur : » leur gloire, c’est Dieu. » (p. 156)
L’auteur manie la langue française avec élégance. Ses phrases sont ciselées, oscillant entre lyrisme et précision. Il propose une réflexion enracinée dans la Parole de Dieu, ancrée dans le concret, et dévoile ainsi régulièrement des vérités profondes. Son écriture se situe à la croisée du commentaire spirituel et de la synthèse théologique. Cette hybridation des genres rend son style accessible tout en restant intellectuellement de qualité.
Un petit ouvrage fort à propos tant sur le fonds que pour l’époque, entre misères manifestes et une spiritualité de la miséricorde qui ne cesse de se déployer pour mieux affirmer le caractère de Dieu. En définitive, ce petit ouvrage ne s’adresse pas seulement aux catholiques découragés, mais à tous ceux qui cherchent à redécouvrir, au-delà de leurs limites, une espérance fondée sur l’amour inconditionnel de Dieu. Dans un monde souvent prompt à juger les faiblesses, Sylvain Detoc nous rappelle avec brio que c’est précisément dans celles-ci que la grâce divine se manifeste le plus pleinement.
Ouvrage : https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/20703/La-gloire-des-bons-a-rien-poche
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