Aurélie JEAN, Les Algorithmes font ils la loi ?, Paris, Éditions de l’Observatoire, « Essais », octobre 2021, 224 pages, 20,00 €.
Aurélie Jean est une scientifique numéricienne. Fondatrice et dirigeante de la société In Silico Veritas à New York. Elle est spécialisée dans les algorithmes et la modélisation numérique.
Cet ouvrage est un essai de vulgarisation sur les relations entre algorithmique et législation. Il est une porte d’entrée dans une connaissance générale des algorithmes et approfondit la question : quel rapports les algorithmes entretiennent-ils avec notre liberté ?
« Le personnage central […], c’est le biais algorithmique » (p. 197‑198) ; ce n’est donc ni l’auteur ni l’algorithme. C’est pourquoi l’auteure explique notamment que la notion de « biais algorithmique » provient de nos propres biais et de nos observations, lesquels peuvent induire la machine en erreur — c’est le tiers de l’ouvrage qui nous intéresse davantage. C’est pourquoi il faut garder un sens critique à l’égard de nos biais et observations. Le biais algorithmique résulte rarement d’une volonté du concepteur de l’algorithme de tromper son public. Il est d’autant plus important d’en avoir conscience que l’utilisation d’un algorithme biaisé — que l’on suppose objectif — peut fortement influencer l’opinion. Cette problématique pose la question du manque de rétrocontrôle des concepteurs d’algorithmes sur leur création.
Aujourd’hui, les algorithmes font des suggestions de décision. Il y a donc un risque déterministe. Mais chacun reste libre de refuser la suggestion qui lui est faite, si sa conscience est éclairée. Au point de vue moral, le défi avec les algorithmes — qui sont un langage universel —, c’est que l’éthique qu’on leur applique doit être universelle.
Par ailleurs, l’auteure défend sa méthode qui consiste à plonger dans le virtuel pour comprendre le réel. Les algorithmes font interface entre l’un et l’autre ; comprendre leurs fonctionnements, c’est pouvoir utiliser le virtuel comme clé de compréhension de notre monde. En faisant des algorithmes pour simuler la réalité, on peut mieux la comprendre.
Ce livre, bien écrit, trouve un juste équilibre entre exigence et accessibilité. Il permettra à un large public de se cultiver sur ce que sont les biais algorithmiques — il est ainsi un bon complément à un précédent livre, De l’autre côté de la machine : Voyage au pays des algorithmes. De plus, il permet d’envisager tous les angles des questions relatives au droit des algorithmes d’une part et à l’éthique du droit des algorithmes d’autre part. En plus des lois existantes — l’Union Européenne vient d’en promulguer une de grande qualité, le Digital Markets Act —, l’auteure se prononce en faveur de chartes, qui « engagent les personnes physiques et morales vers une vision commune » (p. 197) afin qu’une réponse éthique offre la souplesse que la loi peinera à mettre en place.
Ouvrage : https://www.editions-observatoire.com/content/Les_algorithmes_font-ils_la_loi
Paru le 2 mai 2022 dans la Lettre du CEERE (Centre Européen d’Enseignement et de Recherche en Ethique), n°162.
Aurélie JEAN, Les Algorithmes font ils la loi ?, Paris, Éditions de l’Observatoire, « Essais », octobre 2021, 224 pages, 20,00 €.
Prêtre dominicain, Docteur en sociologie, agrégé de sciences économiques et sociales et doctorant en théologie morale, l’auteur propose « une manière de découvrir la Doctrine sociale » (p. 7) de l’Église catholique (DSE).
Cet ouvrage est un manuel de grande qualité didactique. En tant que manuel, ses chapitres peuvent être lus séparément. En effet, après l’introduction, l’auteur présente successivement la DSE dans son histoire depuis 1891, puis des thématiques d’actualité : la guerre et la dignité humaine, l’argent et le bien commun, les migrants et la solidarité, le travail et la subsidiarité, l’écologie ainsi que l’engagement politique. Il lie ici de façon originale de grands thèmes de la DSE et quatre de ses principes (dignité, bien commun, solidarité et subsidiarité). Son approche est très pédagogique : il propose pour chaque chapitre des objectifs, une « évaluation diagnostique », une présentation tissée d’extraits de la Bible, de la Tradition chrétienne, et, enfin, des pistes « pour réfléchir sur ces textes, seul ou en groupe » avec une proposition d’ouverture sous forme de « le saviez vous ? » Chaque chapitre se termine par une conclusion avec un résumé didactique, des questions avant d’aller voter, ainsi que l’exposé d’une notion essentielle (les 4 principes, « tout est lié » (p. 232 234), « le chrétien de gauche ou de droite ? » (p. 270 272)).
Cet ouvrage ferait une excellente introduction à la DSE pour des étudiants commençant la théologie ou l’éthique. Telle n’est cependant pas sa visée première. A la veille de l’élection présidentielle et des scrutins suivants, il invite chaque citoyen(ne) à éclairer sa conscience à la lumière de la pensée sociale de l’Église catholique avant d’aller voter – de ce point de vue, l’invitation est intemporelle. L’auteur ne prend évidemment pas partie. Il dégage non seulement les principes et leur intelligence mais encore leurs applications pratiques et les tensions qu’elles suscitent, tout en invitant à s’interroger chemin faisant. L’expérience d’enseignement de l’auteur lui permet d’exposer l’essentiel et rend le propos vraiment accessible au néophyte.
A paraître le 1er avril 2022 dans la Lettre du CEERE (Centre Européen d’Enseignement et de Recherche en Ethique), n°161.
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