Puppinck Grégor, Les Droits de l’homme dénaturé, Cerf, Coll. Idées, novembre 2018, 304 pages.
Docteur en droit, directeur de l’European Center for Law and Justice, l’auteur a reçu en 2016 le prix « Humanisme Chrétien » pour un autre ouvrage : La Famille, les droits de l’homme et la vie éternelle. Spécialiste des juridictions internationales et bon connaisseur en philosophie et théologie, G. Puppinck nous éclaire sur l’évolution des compréhensions des droits de l’Homme et leurs implications.
Pour commencer, l’auteur nous permet de saisir la différence entre le personnalisme de nombre de « pères » de la DUDH et de la CEDH et le positivisme d’autres. « L’ambiguïté fondamentale des droits de l’Homme » (première partie) conduit à adopter un terme commun « personne » pour deux anthropologies distinctes. En effet, en 1948 il s’agit d’adopter un consensus le plus large possible pour protéger la personne des excès de l’État. En pratique, cette disjonction originelle ferait, de plus en plus souvent, évoluer le but des droits de la protection de la personne – « substance individuelle de nature rationnelle » (Boèce) – à la libération de l’individu des déterminismes de la nature et de l’histoire. Insensiblement, il semblerait que ce n’est plus ni Dieu ni l’État qui est souverain mais l’individu. Glissement que l’auteur veut démontrer et illustrer dans sa deuxième partie « La libération et la souveraineté de l’individu ». Le croisement de nombreux arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, avec des éléments de philosophie et d’histoire se montrent particulièrement convainquant sur ce point. Grégor Puppinck défend la thèse selon laquelle un mouvement s’est produit des droits selon la nature à des droits contre-nature – au sens où « ils opposent et font prévaloir la volonté sur le corps » (p. 195) –. Mouvement qui conduirait déjà à des droits au-delà de la nature – au sens où l’esprit pourrait transcender et remodeler la nature donnée. S’il lui arrive de faire un peu de fiction sur l’avenir dans sa troisième partie « Les droits transhumains : pouvoir et aliénation », il étaye là aussi son propos de nombreux faits récents (Cour IADH, Atala Riffo et filles c. Chili, 2010 ; CEDH, Charron et Merle-Montet c. France, 2015 ; la question du transhumanisme…). La conclusion est grave mais ne désespère pas et croit en un sursaut de personnes capables de désirer un bien véritablement humain : la charité.
L’ouvrage est érudit et très bien écrit. L’argumentation rationnelle et structurée, ainsi que les nombreux faits l’illustrant ont une vraie force de conviction.
Ouvrage : https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/18564/les-droits-de-l-homme-denature
Paru le 1er octobre 2019 dans la Lettre du CEERE (Centre Européen d’Enseignement et de Recherche en Ethique), n°133.
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